L'arbresse
Je suis venue ce soir m'étendre un moment près de mon garçonnet endormi et c'est en savourant son odeur sucrée de petite brioche que mes yeux clos ont vu l'arbre-femme.
La nuit l'enveloppait de sombre lenteur mais je distinguais ses teintes et scintillements. Le tronc robuste de l'arbresse était d'un gris d'orage, ses cuisses, ses seins luisaient doucement au lustre de la Lune et ses yeux en amande me murmuraient d'approcher et de toucher sa chevelure rousse. J'ai enserré le tronc mouvant, j'ai grimpé de mon corps de petite femme humaine en spirations d'âme nue et je suis arrivée dans le ramage de cheveux lisses et cuivrés. Le vent lunaire s'est levé en peigne d'argent, il a prélevé dans le ciel la dorure-offrande du Soleil et il a caressé la créature, il a démêlé ses cheveux roux. C'était un ondoiement de finesse, un balancement féminin ; le souffle prenait aussi mes longs cheveux, les peignait en les mêlant à ceux de l'arbresse et nous étions toutes les deux en obscure nacelle et nous nous laissions bercer par le soin de beauté céleste.
Les cheveux doux, je suis venue m'étendre sur mon lit et j'ai retrouvé dans les draps la petite boîte ronde pleine de symboliques friandises offerte par celui que j'aime. J'ai savouré une des sphères grises de miel et réglisse, j'ai croqué le nimbe d'une saupoudrée de sucre-cristal avant de rejoindre l'arbre-femme. J'ai alors vu la fine main d'homme, la main qui me caresse et me fait piquetée d'étoiles, celle qui hier m'avait offert la boîte. Géante et chevauchée par la Lune, la main de mon bien-aimé déployait une pluie de sucreries rondes et en sertissait la chevelure de l'arbresse.
Enlacée à elle, j'ai pris racine, je suis allée au fond chercher l'eau, je me suis abreuvée des limons souterrains et j'ai poussé dans le tronc de la créature terrestre végétale, j'ai épousé ses formes et j'étais elle, cheveux au vent, criblée de bijoux à manger et caressée de peignes dorés d'homme.