Les draps

Publié le par Llunet

Lorsqu'enfin je me résouds à ôter de mon lit les draps que nous avons partagés, Lui et moi, parce qu'il faut bien un jour en remettre de frais, je leur fais quitter ma couche tout doucement. C'est souvent les matins où je n'ai pas à me presser, au presque sortir du lit alors qu'ils sont encore tièdes de ma chaleur et de son odeur qui m'a accompagnée les nuits d'absence.

Je les attire au sol et les roule en boule, en astre rond. Je m'agenouille et me penche, mes cheveux me précèdent et nappent déjà la planète de toile, mon visage s'approche avec lenteur, je flaire avec délicatesse le parfum de Luielle et puis c'est la descente, le contact nocturne du tissu contre mes joues qui rosissent et demandent une dernière fois l'asile de sa terre mourante, je flaire, hume et m'enfonce davantage, je retrouve la chaleur de grains moulus, l'odeur des arbres et de sous-bois fertile, de cerise et de sucre, de plumes d'oiseaux vifs envolés. Je reste là entière respirante, les yeux fermés, je prends, je garde tout de ce monde, puis lorsque toute chaleur est partie loin dans le ciel de ma chambre, j'englobe de mes bras l'astre froid et l'emporte et le dépose dans un panier d'osier où il attendra l'eau...  

Publié dans Automne 2004

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