Canticum Canticorum Mercuriis, I (extrait)
Ce poème est un joyau et c'est l'homme que j'aime qui l'a serti de ses mots :
Je chanterai le cuivre frappé à l’effigie de la déesse de Chypre
Je chanterai le buste lauranien d’elle qui prodigue ses vagues
me déferle me dérobe me déploie me défait en éclats de désir
Je chanterai
son portrait et le mien aiguisés jusqu'au trait
en torse javeline à la joute lunaire
et en lance de lice à la cour du Soleil
Je chanterai son corps musqué navré de Lune
le doux troupeau blanc de ses vivantes collines
et le rouge mordu de ses lèvres rubelles
Cuivre disais-je qui est l’or de Vénus
et la ville enterrée sous le corps d’eau de plus anciens dieux
la ville assiégée d’algues s’éprendra de ciel
et le ciel blessé sera bu
en abeilles saignant de sa chair ouverte en plaie fertile
sera bu
et Mercure qui se fera un théorbe de sa lyre perdue entonnera
le chant de ses chants :
rouges ses mains de pleine beauté
ses plaintes lancées au cœur
comme autant de vagues fuselées
murmurées en pluie d'écume
au jade de la tige élancée
et ma langue mordue
dira-t-il
et mon cri empennelé dans la gorge
et mes mots
dira-t-il
et mes mots portés à la bouche comme fruits
qui verront leurs images mordues
et leur sens s'écouler
rouge en son palais
dira-t-il
rouges saignées
d'elle murmurée en pluie
au jaspe de mes veines
ci commence dira-t-il
(offrande au cœur des mots)
ci commence le chant dédié à son corps
en dire d'encre en dire d'incendie
en reine d'incendie en ce cri d'encre
n'en rien dire crier ce cri de cendre
enceindre reine en dire de ce cri :
ci commence le chant dédié à son corps
en mains versées comme torrents sur elle
en nue de chair que visite l’étrave
en savourée fébrile au souffle court
et robe blanche en vifs battements d’ailes
ci commence le chant dédié à son corps
en éperdue languide sous mes lèvres
toute versée dans l’or qui sert de jour
dans la sueur de mon soleil plongé
au corps aimé au sang qui fait des vagues
ci commence le chant dédié à son corps
en pluie régnante et tresses de mon sang
en céraunies dans l’éclat de la chair
en terre ouverte et ciel en chute libre
les mots aussi vont s’ouvrir à la nuit
ci commence le chant dédié à son corps
les mots aussi vont s’ouvrir à la nuit
trempés dans l’encre en images fécondes
ils prennent corps dans l’enclos de ses veines
corps de désir qui carmine l’arène
ci commence le chant dédié à son corps
qu’il soit dit oh son ventre n’est que fièvre
et qu’il soit dit on y fond le Soleil
livrez-moi à son feu car je suis sève
et je brûle aux éclats et qu’il soit dit
ci commence le chant dédié à son corps
en irisée des pluies qui s'abattent sans trêve
en tresses alourdies tirées de sous les vagues
elle joue les couleurs sur les cordes de l'eau
elle tord mes soupirs et les noue jusqu'au cri
ci commence le chant dédié à son corps