Mots cachés

Publié le par Llunet


Lorsque je modèle un personnage dans l'argile il faut que je le vide avant de le mettre à la cuisson dans mon four. Avec un fil façon "à couper le beurre", je  coupe la pièce en deux, sépare les moitiés et me mets en devoir de retirer la terre qui se trouve en son centre, ne laissant que trois à quatre centimètres d'épaisseur. Cette manipulation permet une cuisson uniforme et évite l'explosion dûe à la présence de petites bulles d'air.

Outre l'infini plaisir que j'éprouve à sentir le fil entailler la terre et la fendre en deux dans une sorte de crissement mouillé, je me réserve l'immense joie d'inscrire des mots pour Lui au coeur même de mon modelage, sur les deux parois de la pièce. J'accole ensuite soigneusement les deux parties et je ris toute seule à la pensée que, si j'ai des clients pour tel ou tel buste de femme, ils seront loin de s'imaginer qu'il comporte de tels secrets. Bien sûr, si on le casse, on verra sûrement à l'envers les inscriptions et alors il me plaît de croire que l'on voudra tout de même reconstituer le puzzle juste pour déchiffrer ces mots étranges.

Et, comble du ravissement, comme je modèle souvent des femmes, je me dis que je crée tout un tas de créatures comme amoureuses de Lui, elles qui s'en iront ici et là et qui resteront toutes pleines de ce que j'ai eu envie de leur confier, pleines d'air mais aussi de mes mots.

Voici donc mes "armes" : en haut, la mirette, pour creuser, et en bas l'ébauchoir, pour graver...

Publié dans Hiver 2004

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